Passionné d’histoire et de patrimoine, l’auteur et conférencier Sylvain Daignault a lancé aux Éditions Broquet un ouvrage, Québec Insolite, qui revient sur des événements méconnus ou oubliés de l’histoire du Québec. Son blogue quebecinsolite.wordpress.com fait partie des recommandations d’INFOSuroit. Fier de collaborer avec le média régional collaboratif, Sylvain Daignault livre ici un texte concernant les canons de bois des Patriotes.
Au cours du premier tiers du 19e siècle, un vent de libération souffle partout dans le monde. Après les États-Unis et la France, les mêmes espoirs de liberté nourrissent des soulèvements en Irlande, en Afrique du Sud, au Mexique, en Amérique du Sud. Tant dans le Haut-Canada que dans le Bas-Canada, des gens s’organisent pour se libérer de l’emprise de la métropole afin d’établir un gouvernement responsable. On les appelle les Patriotes. Mais la Grande-Bretagne tient à ses colonies et n’entend pas les affranchir de sitôt. Les armes vont parler! Et comme les Patriotes n’ont que des canons de bois…
En 1837 et 1838, une partie de l’élite canadienne (médecins, avocats, notaires, marchands) appuyés par une partie de la population revendique le droit à l’autodétermination tant dans le Haut que dans le Bas-Canada.
Faut-il voir dans ce mouvement l’influence de la Révolution française et de l’indépendance des États-Unis? C’est certain.
Mais la Grande-Bretagne, qui vient de perdre les États-Unis quelques décennies plus tôt, est, disons, peu réceptive à l’idée de perdre ce qui lui reste en Amérique du Nord.
Bas-Canada
La rébellion de 1837-1838 est beaucoup plus violente au Bas-Canada qu’au Haut-Canada.
Au cours du printemps et de l’été 1837, les chefs réformistes, dont le principal est Louis-Joseph Papineau, chef du Parti patriote, tirent parti des tensions politiques de longue date pour mettre sur pied une large force rebelle.
La situation est tellement tendue qu’en octobre 1837 toutes les troupes britanniques régulières sont retirées du Haut-Canada et transférées dans le Bas-Canada.
Infériorité
Les troupes rebelles ne font pas le poids devant l’importante force militaire coloniale, sous la direction du général John Colborne, complétée par un grand nombre de miliciens orangistes loyaux venant du Haut-Canada.
Les Patriotes rebelles peu entraînés affrontent des troupes et des milices bien entraînées à trois occasions : à Saint-Denis, à Saint-Charles et à Saint-Eustache.
La loi martiale est déclarée et de nombreux rebelles, dont Louis-Joseph Papineau, s’enfuient aux États-Unis. Des centaines sont arrêtés, plusieurs sont déportés en Australie, d’autres sont pendus à la prison du Pied-du-Courant à Montréal.
Beauharnois
Le bras armé des Patriotes, les Frères Chasseurs, viennent pour la plupart des campagnes environnantes. Ils sont équipés d’armes de fortune qui sont en fait des outils de travail « adaptés ».
Document exceptionnel, Jane Ellice, qui a été retenue prisonnière par les Patriotes, représente grossièrement dans une aquarelle un attroupement de Chasseurs. On les voit tenir épées, faux de toutes dimensions, faucilles, pics, gaffes et fusils. D’autres témoignages révèlent que certains n’avaient que des fourches ou de simples bâtons de marche.
Pas de quoi effrayer l’armée la plus puissante du monde !
À peine le tiers des combattants patriotes ont en leur possession des fusils en bon état. Ces armes à feu sont pour la plupart de vieux fusils à silex dont on a changé le mécanisme de percussion pour les rendre plus efficaces. Ils deviennent alors des « fusils à cap ».
Le simple fait de porter un fusil est considéré comme une offense majeure dans les mises en accusation des Patriotes.
Deux forgerons de Sainte-Martine, Constant Buisson et Gabriel Couroux, sont mis en accusation pour avoir cerclé des canons de bois. Un troisième, François-Xavier Touchette, est accusé d’avoir forgé des « pics ».
Canons de bois
Les Frères Chasseurs possèdent six canons de bois. C’est peu contre l’armée britannique.
Ce genre d’artillerie rudimentaire est fabriqué par les groupes de Saint-Timothée et de Sainte-Martine. Ces canons faits de grosses billes de bois cerclées de fer évidées en leur centre ou faits de douves épaisses (comme pour les tonneaux) ont une puissance de feu plutôt faible et peu constante.
On les charge de petits morceaux de plomb et de ferrure.
L’une de ces curieuses pièces capturées à Saint-Timothée est offerte par l’armée anglaise à leur jeune Reine Victoria comme symbole de leur victoire au Bas-Canada. On le retrouvait au Musée militaire d’Ipswich, en Angleterre. Elle fait partie maintenant de la collection du Musée canadien d’histoire de Gatineau.
Reconstitution
La Société du patrimoine de Sainte-Martine possède une réplique d’un de ces canons de bois. En 2008, un artificier a procédé à son utilisation avec une charge explosive.
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