Michel Falardeau est un nouveau collaborateur sur INFOSuroit.com. Ce citoyen de Saint-Anicet à la retraite suit l’actualité économique mondiale de près, et cela même en plein mois de février depuis la Floride. M. Falardeau a débuté il y a quelques jours la présentation de Billets sur l’Économie mondiale. Outre ses sommaires de nouvelles économiques de la planète, notre nouveau blogueur présentera de temps à autres un dossier plus fouillé sur un sujet précis. Voici le premier dossier de Michel Falardeau sur INFOSuroit.com : Une guerre sainte entre frères ennemis de l’islam pourrait faire bondir le prix du baril de pétrole au-delà de 200 $ US
Géologue de formation, M. Byron King est devenu une sommité internationale dans le domaine des ressources naturelles. En tant que journaliste et auteur de lettres financières, il parcourt continuellement la planète à la recherche d’investissements judicieux pour ces lecteurs. À l’automne 2010, il publiait un document choc intitulé 1,354 Years in the Making: The « NEW » War That Could Rocket Oil Past $220. Le dossier qui suit s’en inspire sur plusieurs points.
Après la mort du prophète Mahomet, en l’an 632, deux factions se sont disputé sa succession comme calife de cette nouvelle religion pendant plusieurs générations :
- les chiites, d’un côté, prônant que le califat revienne aux descendants en ligne directe du prophète et que l’islam soit pratiqué avec une grande rigueur,
- Les sunnites, de l’autre, adeptes d’une application souple de la doctrine musulmane.
Aujourd’hui, les sunnites regroupent près de 90% des musulmans et gouvernent la presque totalité des pays musulmans. Pour leur part, les quelque 150 à 170 millions de chiites se répartissent dans plusieurs pays; ils ne sont majoritaires qu’au Bahrein (près de 70%), en Irak (plus de 50%) et en Iran surtout (80%-90%), alors qu’au Yemen, ils constituent une très forte minorité (40%-45%).
Depuis des siècles, les chiites sont considérés, dans les pays gouvernés par les sunnites, comme une sous-classe de musulmans. Ils ne peuvent occuper de siège au gouvernement, ni devenir juges, ni même, dans certains pays, témoigner devant un tribunal. En Arabie saoudite, les chiites ne peuvent pas se marier a des conjoints sunnites. Mais, depuis leur arrivée au pouvoir en Iran en 1979, un vent de fierté souffle sur ces populations chiites qui veulent retrouver leur gloire d’antan. On ne doit jamais oublier que l’Iran constitue l’ancien berceau de la civilisation perse dont le puissant empire s’étendait bien au-delà de l’Irak, de la Syrie, de la Jordanie, de la Palestine et de l’Arabie saoudite jusqu’en Égypte et en Turquie; ils auraient inventé le jeu d’échecs, les briques, l’algèbre, la trigonométrie et le vin.
Et surtout, à titre de descendants et d’héritiers du prophète Mahomet, les autorités religieuses chiites d’Iran se considèrent comme les seuls gardiens authentiques de l’intégrité de la foi islamique et ce, non seulement pour leurs propres fidèles mais pour l’ensemble du monde musulman.
Pendant huit ans, de 1980 à 1988, les sunnites irakiens et les chiites iraniens se sont violemment affrontés le long de leurs frontières. Saddam Hussein entendait bien tuer dans l’oeuf le régime fondamentaliste de l’ayatollah Khomeini qui incitait les Irakiens à le renverser et projetait d’étendre son mouvement religieux dans tout le Moyen-Orient. Cette guerre fratricide a laissé au sol entre 500 000 et 1 200 000 victimes… Et ces luttent hantent encore aujourd’hui les mémoires et les cœurs des frères ennemis.
En délogeant, quinze ans plus tard, les dirigeants sunnites de Saddam Hussein de la gouverne de l’Irak, les États-Unis ont remis sur un plateau d’argent la direction de ce pays entre les mains des chiites… Tout un cadeau fait aux chiites de la part d’un pays qu’ils détestent souverainement !… Et les chiites se souviennent très bien que l’Arabie saoudite a fourni près de 50 milliards de $ en aide financière à Saddam Hussein alors que celui-ci lançait missiles et gaz toxiques au-dessus des frontières en territoire iranien. Et surtout, à leurs yeux, le style de vie menée par les princes saoudiens constitue une véritable offense et une insulte suprême à la religion de Mahomet, dont les deux lieux les plus sacrés, La Mecque et Médine, se situent en sol saoudien.
On pense que l’Iran supporterait, en secret, certains soulèvements populaires arabes contre des dirigeants sunnites, en particulier au Bahrein et au Yemen. Byron King est persuadé qu’une guerre est déjà enclenchée entre les chiites, dirigés par l’Iran, et les sunnites, Arabie Saoudite en tête.
Les autorités religieuses chiites pourraient avoir un double objectif : économique certes : acquérir le contrôle des champs pétroliers du Moyen-Orient; mais aussi, et peut-être même avant tout, religieux : libérer les villes saintes de La Mecque et de Médine de l’emprise de la maison saoudienne ainsi qu’éventuellement, celle de Jérusalem, là d’où Mahomet serait monté aux cieux, de la domination d’Israël.
Pour y arriver, ils doivent d’abord réussir à encercler l’Arabie saoudite et s’assurer de contrôler deux points stratégiques :
- le détroit d’Ormuz, bordé par l’Iran, où passe 30% du pétrole mondial transporté par mer et où l’Iran a récemment fait une pratique de manœuvres militaires pour bien démontrer sa capacité à bloquer cette route maritime stratégique;
- la « Porte des lamentations », bordée par le Yemen, une autre voie stratégique de commerce international reliant l’Europe à l’Asie de même qu’à plusieurs champs pétroliers du Moyen-Orient.
Au Bahreïn, ce n’est qu’en ayant recours aux forces militaires de leur allié voisin, l’Arabie saoudite, que les dirigeants sunnites ont réussi, l’an dernier, à conserver le pouvoir face à une révolte populaire grandissante.
Au Yemen, le régime sunnite est, depuis un an déjà, soumis à rude épreuve. Le président Ali Abdallah Saleh a abdiqué en faveur de son vice-président qui sera le candidat unique aux futures élections présidentielles du 21 février prochain. Et c’est loin d’être garanti que cette transition calmera les ardeurs de ceux qui ont eu à subir les foudres répressives de ce gouvernement pendant plus d’un an.
En Syrie, la majorité sunnite tente présentement de déloger du pouvoir la minorité chiite menée par le président Bachar al-Assad. Ce conflit a d’ailleurs forcé les grands de ce monde à laisser tomber leur masque en dévoilant leurs véritables alliances :
- D’un côté, le tandem États-Unis/Europe qui appuie les gouvernements sunnites du Moyen-Orient regroupés autour de l’Arabie saoudite;
- De l’autre, le tandem Chine/Russie qui y protège plutôt les gouvernements chiites, avec l’Iran en tête.
Et au beau milieu de ces pays arabes en conflit les uns avec les autres, avec pour chaque faction des appuis de pays très puissants, Israël, ce franc-tireur qui risque à tout moment de mettre le feu aux poudres pour protéger ses propres intérêts et assurer sa survie.
Pas étonnant que, dans un contexte aussi explosif, les États-Unis aient recommencé l’envoi massif d’équipements militaires aux dirigeants sunnites d’Arabie saoudite pour qu’ils soient en mesure de tenir tête aux pays chiites voisins qui, de plus en plus, l’encerclent.
Par ailleurs, depuis plusieurs mois, le ton monte progressivement entre l’Iran et l’Occident (États-Unis, Europe et Israël), persuadé que le programme d’enrichissement nucléaire iranien a des visées militaires. Ni les sanctions économiques ni les menaces de frappes militaires ne semblent faire flancher la détermination de l’Iran qui riposte en menaçant à son tour de stopper immédiatement toute livraison de son pétrole en Europe, de fermer le détroit d’Ormuz et de frapper, le moment venu, là où ça fera mal.
Ça chauffe définitivement de plus en plus dans ce coin du globe et il est difficile de savoir à l’avance où nous mènera pareille escalade. Chose certaine, c’est qu’elle aura des incidences significatives sur le prix du baril de pétrole.
Des experts prévoient que la fermeture du détroit d’Ormuz pourrait en faire bondir le prix de 40 $US par jour jusqu’à atteindre 300-350 $US en phase initiale de panique, pour ensuite revenir autour de 200-250 $US (avec un prix de l’essence à la pompe au Québec autour de 2,50 $/litre) si le blocage se poursuivait… Un tel prix ne manquerait pas de déclencher une véritable crise cardiaque de l’économie mondiale…
Et personne n’ose encore vraiment prédire les conséquences d’une guerre qui se porterait jusqu’en territoire de l’Arabie saoudite…
Cette guerre de religion vous semble improbable, voire impossible ?… Et pourtant, les chrétiens ne se sont-ils pas livré une guerre acharnée entre catholiques et protestants pendant plus de trente ans au 16ème siècle en Europe ?… Et encore récemment en Irlande ?… Et entre Croates catholiques et Serbes orthodoxes ?…
Pour ces frères ennemis de l’islam, ce ne serait que reprendre, là où ils l’ont laissée il y a maintenant près de 25 ans, une guerre qu’ils se sont livrée pendant huit ans… Et 25 ans, n’est-ce pas aussi l’intervalle d’accalmie entre les deux grandes guerres mondiales (1914-18 et 1939-45) qui, avec sensiblement les mêmes belligérants, ont secoué le continent européen au siècle dernier ?…
Espérons que les pays puissants de ce monde réussiront à calmer les ardeurs belligérantes de leurs alliés arabes… et d’Israël !
Excellent! Ce dossier nous donne un éclairage que nous ne trouvons nulle part ailleurs sur la situation des pays musulmans et sur les répercussions directes sur le prix que nous aurons à payer à la pompe dans un avenir prochain. Merci à monsieur Falardeau.