(Michel Falardeau) – Depuis février dernier, j’ai le privilège de vous informer sur les sujets économiques qui préoccupent toute la planète. La mondialisation est bien réelle. Tous les jours nous côtoyons des gens ou nous entendons parler d’entreprises d’ici qui font affaires avec l’étranger, ou des compagnies de l’extérieur du pays qui décident de venir établir une succursale chez nous. Tout saisir est impossible, mais en échangeant ensemble à chaque semaine, il devient plus facile de comprendre.
Cette semaine, on traitera du yuan, une nouvelle devise internationale et des nouvelles positives sur la crise européenne :
Le vent semble changer de direction en Europe.
Depuis près de deux ans maintenant, l’Allemagne, de concert avec la France notamment, a réussi à imposer sa vision sur l’origine de la crise européenne des dettes souveraines et les remèdes pour s’en sortir : puisque la crise est générée par le niveau d’endettement insoutenable de certains membres de la Zone euro, elle ne peut, selon les dirigeants politiques allemands, être solutionnée que par des coupures drastiques dans les dépenses des gouvernements de ces pays.
Mais le vent semble maintenant tourner en faveur de ceux qui, face à l’aggravation de la récession découlant de l’implantation de ces mesures d’austérité, prônent plutôt la relance des économies par des programmes de stimulation financés par les gouvernements.
En France tout d’abord, le résultat du premier tour des élections a de quoi donner des sueurs froides à ceux qui se rangent du côté de l’Allemagne. Si M. Nicolas Sarkozy est battu, Mme Angela Merkel perdra l’un de ses plus grands, plus fidèles et plus stratégiques supporteurs. Le candidat socialiste, M. François Hollande, a en effet promis de renégocier le pacte fiscal et les ententes récemment conclus avec les partenaires européens. Il pourrait même se porter à la tête des pays qui militent contre les mesures d’austérité mises de l’avant par le tandem « Merkozy » et proposent plutôt d’accroître les dépenses gouvernementales pour relancer les économies en déroute.
En Hollande, le gouvernement est tombé lorsque l’extrême droite lui a retiré son appui pour avoir fait la promotion de mesures d’austérité trop sévères visant à rencontrer les cibles budgétaires fixées dans le nouveau pacte fiscal européen récemment adopté.
L’Espagne, par ailleurs, vient de voir sa cote de crédit abaissée de deux crans et ce, même si Standard and Poor’s admet que le gouvernement espagnol a implanté des réformes structurelles qui devraient générer une croissance économique à long terme. L’agence de notation craint en effet qu’à court terme, la situation budgétaire de ce pays ne s’aggrave davantage en raison du chômage élevé qui y sévit, surtout que le gouvernement pourrait même devoir venir à la rescousse des banques espagnoles aux prises avec un marché immobilier qui ne cesse de dégringoler et un nombre croissant de propriétaires qui ne peuvent plus rembourser leur hypothèque. Cette décote de l’Espagne n’aide en rien la cause des Allemands puisque le gouvernement espagnol s’est toujours montré collaborateur et prompt à appliquer la recette allemande à leurs maux et que leur situation économique n’a cessé pourtant de se détériorer.
La Grèce, quant à elle, pourrait, au lendemain des élections de dimanche prochain, remettre en question les difficiles mesures d’austérité qui ont été exigées d’elle pour avoir accès à son second plan de sauvetage de 130 milliards €.
Et, pour coiffer le tout, au sein même de l’Allemagne, une poursuite a été intentée contre la Banque centrale allemande pour avoir utilisé l’argent des contribuables afin de financer, par le biais de la Banque centrale européenne (BCE), la dette d’autres pays européens.
La vision allemande de la crise européenne est donc de plus en plus ouvertement contestée… Et pourtant, malgré ces fortes turbulences, l’euro semble demeurer stable face aux autres devises… comme si les investisseurs demeuraient convaincus que l’Europe et le Fonds monétaire international (FMI) avaient déjà largement démontré leur volonté de venir à bout de cette crise et s’étaient déjà dotés de structures et de mécanismes adéquats pour y parvenir.
Le yuan une devise de plus en plus internationale
Au cours des dernières années, la Chine a conclu des ententes avec plusieurs pays pour que les transactions commerciales et les prêts entre eux puissent se faire dans leur propre monnaie, sans passer par le dollar américain ($ US). C’est le cas notamment avec la Russie, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du sud, l’Australie, l’Iran, la Turquie et, éventuellement, le Japon. En 2011, la valeur des transactions commerciales outre-frontières réglées en yuan ont quadruplé par rapport à l’année précédente.
Cette tendance s’accentuera puisque la Banque populaire de Chine vient d’annoncer son intention d’instaurer, d’ici les deux prochaines années, un système de paiements internationaux qui permettrait à tous les pays et institutions bancaires de régler en yuan leurs transactions commerciales et leurs investissements outre-frontières.
Récemment, le London Metal Exchange, où se transigent de nombreux contrats sur les ressources naturelles dans le monde, a annoncé qu’il envisageait sérieusement d’accepter le yuan comme nouvelle devise de commerce international, sur un pied d’égalité avec le $US, l’€ et le yen, reconnaissant que l’Asie monopolise aujourd’hui plus de la moitié des ressources naturelles de la planète pour son développement.
Des pas importants qui illustrent clairement la volonté de la Chine de conférer au yuan le statut de devise de commerce international et de réserves mondiales au même titre que le dollar américain, l’euro et le yen.
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Si vous souhaitez lire ou relire les précédents billets et dossiers de Michel Falardeau sur L’Économie mondiale, voici les liens à suivre :
- Endettement et anomalies concernant le prix du gaz naturel (22 avril 2012);
- Pipeline Keystone, Salaires Chine-USA, et bons du trésor (15 avril 2012)
- Pénurie mondiale d’eau potable et la Chine cherche des sources d’énergie (8 avril 2012)
- Électricité, gaz naturel, éolienne et + (25 mars 2012)
- La Mongolie offre la plus forte croissance économique (18 mars 2012)
- L’Islande pourrait adopter le dollar canadien (11 mars 2012)
- Dossier sur la vulnérabilité des banques (8 mars 2012)
- Gaz de schiste, Iran, Disney en Chine BCE et immobilier (4 mars 2012)
- Dossier : La demande diminue et le prix de l’essence poursuit sa hausse (2 mars 2012)
- FMI, G-20, Grèce, Iran et Chine (26 février 2012)
- La décote de plusieurs pays (18 février 2012)
- Dossier : L’Europe pourrait-elle sortir grandie de la crise des dettes souveraines (15 février2012)
- La Chine, Las Vegas, la Grèce & plus (12 février 2012)
- Dossier : Le prix du baril de pétrole bientôt à 200 $ US (8 février 2012);
- Économie mondiale : Le premier billet de Michel Falardeau (5 février 2012).