C’est en ami que je t’écris cette courte lettre puisque je te soupçonne de passer une mauvaise passe. En fait, tu dois ressentir ce que l’on ressent au moment où l’on réalise que nos plus intimes convictions n’étaient probablement fondées que sur du vent.
Depuis des années, tu écoutes religieusement les commandements de ceux qui s’autoproclament les défenseurs des « créateurs de richesse ». Tu considères les propos de nos François Legault, Jean-Marc Fournier ou autres Raymond Bachand nationaux comme des paroles d’évangile.
Ceux-ci nous répètent toujours, grosso modo, la même rengaine : si la nation québécoise s’affirme, si les Québécois désirent une meilleure répartition de la richesse et s’ils tiennent à travailler en français au Québec, c’est le désastre économique qui nous attend. Nos bons « créateurs de richesse » vont tous s’enfuir à Lancaster, Ontario et ce sera le chômage pour tout le monde. Enfin, c’est ce qu’on peut déduire de leur discours lorsqu’on sait lire entre les lignes.
Ainsi, quand le Parti Québécois prend le pouvoir, un parti qui a justement comme principes ceux mentionnés précédemment, c’est la panique. Les hyperboles les plus radicales sont alors utilisées pour dénoncer les projets du PQ, comme cette fameuse « angoisse fiscale » qui aurait agi tel un fléau depuis les 7 derniers mois. Et comme nos amis Legault, Fournier et Bachand, tu en as été atteint toi aussi.
A priori, tes craintes semblaient fondées : le Parti Québécois a réparti la richesse en augmentant les impôts des plus riches et des banques. Il a fait de même avec les entreprises de l’industrie minière dont il a augmenté les redevances. Il a déposé le projet de loi 14 pour renforcir la place du français, particulièrement dans les milieux de travail, et il ne se gêne pas pour dénoncer les décisions du gouvernement fédéral qui sont néfastes pour le Québec.
Après tout ça, et selon la logique des angoissés fiscaux, le reste du Canada devrait nous distancer à tous les niveaux. Les agents d’immeubles d’Hawksbury et de Lancaster devraient trimer jours et nuits pour accueillir tous ces bons créateurs de richesse québécois qui cherchent désormais à s’installer en Ontario. Les investisseurs devraient fuir la Belle province à grandes enjambées pour ne plus jamais revenir. Bref, l’économie québécoise devrait être en lambeaux.
Mais il y a une donnée que tes amis angoissés fiscaux et toi n’aviez pas prise en compte : la réalité. En effet, et c’est d’ailleurs pourquoi les doutes doivent t’envahir douloureusement par les temps qui courent, la réalité vous donne complètement tort.
Prenons par exemple cet article (Le marché de l’emploi le plus dynamique au Canada en 2012: le Québec!, Jobboom, Éric Grenier 8 janvier 2013) qui nous apprend qu’au cours de l’année 2012, la moitié des emplois créés au Canada l’ont été au Québec, soit une moyenne de 10 000 nouveaux emplois sous le règne libéral et de…14 000 nouveaux emplois à partir de l’élection du PQ.
Puis, cet article de la Presse canadienne (Ericsson investira plus de 1,2 milliard à Vaudreuil-Dorion, La Presse, 3 juin 2013) qui nous apprend que le Québec a été préféré par la multinationale à des endroits comme la Chine, l’Inde, la Suède et d’autres provinces, dont…l’Ontario.
C’est à ce moment qu’en bon angoissé fiscal, tu te dis qu’il s’agit sûrement d’une coïncidence, d’un coup de chance, mais le journal Les Affaires, qu’on ne peut pas vraiment qualifier de journal « gauchiste », remet les pendules à l’heure : (Ericsson, Jean Coutu, Valeant, Van Houtte… les projets d’investissement privé se multiplient au Québec, Les Affaires, 6 juin 2013).
Puis, le journal en rajoute encore : (Capital-risque : le Québec brille au premier trimestre, Les Affaires, 24 mai 2013). Le capital de risque représente, rappelons-le, un indicateur très fiable du niveau de confiance des investisseurs. Or, l’article nous apprend qu’à ce sujet, « le Québec se retrouve au premier rang avec des investissements de 226 M$, soit 49 % du total canadien, loin devant l’Ontario à 133 M$ et la Colombie-Britannique à 72 M$ » et que « la progression des investissements au Québec atteint 318 % sur un an ». Les investisseurs ne devaient pas être affolés?
Enfin, le dernier clou dans le cercueil de tes convictions a fort probablement été planté à la lecture de cet article : (Les actions québécoises surpassent celles du Canada en 2013, Les Affaires, 25 juin 2013).
Je compatis à ton désarroi. Je sais que ça ne doit pas être facile de réaliser qu’on a été floué par ceux envers qui l’on avait placé sa confiance. Mais tu peux désormais te dire que nos plus beaux espoirs sont permis. Il est bel et bien possible de répartir la richesse, protéger la langue française et affirmer la différence québécoise tout en profitant d’une économie robuste, prospère et attractive. Il ne s’agit que d’arrêter de croire aux lubies de certains qui cherchent à nous faire craindre le Bonhomme sept heures.
Bien à toi,
Guy Leclair, député de Beauharnois
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Vous pouvez lire ou relire les billets précédents de Guy Leclair :
- Un bilan impressionnant (7 mai 2013);
- Le budget fédéral : une attaque contre le Québec (27 mars 2013);
- Six mois qui transforment une nation (21 février 2013);
- Le Québec se remet en marche (10 janvier 2013);
- La Loi 78, de l’huile sur le feu (25 mai 2012);
- Premier mai et solidarité (3 mai 2012);
- So What ! (19 avril 2012);
- Une nouvelle culture politique (14 mars 2012);
- Le vrai changement (22 février 2012);
- La coalition pour l’avenir de François Legault (17 novembre 2011);
- Le Canada qu’on nous impose (26 octobre 2011);
- Le temps du mépris (12 septembre 2011);
- Un Québec vert, dans un Canada brun* (12 août 2011);
- Premier billet de Guy Leclair député de Beauharnois (20 juin 2011).
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