Une compilation réalisée en 2012 a démontré la présence dans le Corridor vert Châteauguay-Léry de 316 espèces de champignons, dont 22 espèces rares ou très rares. Cet inventaire a été réalisé par le biologiste Raymond McNeil, mycologue renommé et professeur émérite au département de Sciences biologiques de l’Université de Montréal. M. McNeil est une sommité dans le monde de la mycologie, il est l’auteur de « Le grand livre des Champignons du Québec et de l’est du Canada » et de « Champignons communs du Québec et de l’est du Canada ».
Raymond McNeil arpente les boisés de Châteauguay et Léry depuis 1976, le rapport d’inventaire découle directement de ses observations. Les résultats du dernier inventaire du corridor vert Châteauguay-Léry sont exceptionnels. « Très peu de sites peuvent se vanter d’abriter une aussi grande diversité de champignons rares au Québec », affirme M. McNeil.
Voici quelques exemples d’espèces vedettes qui ont été répertoriées :
- Caulorhiza hygrophoroides, très rare, mentionnée uniquement à deux sites au Québec ;
- Hygrocybe ruber, très rare, mentionnée pour la première fois au Québec ;
- Limacella delicata var. glioderma, très rare, mentionnée uniquement à deux ou trois fois au Québec ;
- Pholiota gummosa, très rare, la seule et unique mention au Québec. L’espèce n’a probablement pas été trouvée ailleurs en Amérique ;
- Scutellinia blumenaviensis (Syn. S. asperrima), très rare, connue dans les Antilles, mentionnée pour la première fois pour le Québec, et probablement pour l’Amérique du Nord ;
- Sowerbiella radiculata, var. radiculata, très rare, mentionnée pour la première fois pour le Québec, et probablement pour le Canada.
Les champignons jouent un rôle essentiel dans la biodiversité
Selon Raymond McNeil, la présence des champignons est indispensable à la survie de la grande majorité des plantes. En effet, « en tant que symbiote, les champignons sont des partenaires cruciaux de près de 80% des plantes vasculaires. Une grande proportion des arbres de la forêt et des arbres ornementaux sont symbiotiquement dépendants de champignons dits ectomycorhiziens. Il s’agit d’une interaction obligatoire à la fois pour le champignon et l’arbre » souligne M. McNeil. Certains champignons dits mycorhiziens sont d’ailleurs associés spécifiquement à des genres particuliers d’arbres, par exemple le Bolet de Gréville (Suillus grevillei) avec les mélèzes (Larix spp.).
Bien que les champignons jouent un rôle essentiel dans la biodiversité, ils ne sont protégés par aucune loi ou aucun règlement au Québec, comme c’est le cas dans une trentaine de pays d’Europe, ainsi que dans l’Orégon et en Colombie-Britannique. La Suisse, qui possède déjà une liste rouge des champignons rares, est l’exemple à suivre en matière de protection des champignons.
Certains groupes internationaux et même du Québec travaillent au maintien et à la protection de la mycodiversité. La Société internationale pour la conservation fongique (ISFC), qui a vu le jour en 2010, est vouée à la protection des champignons et a notamment comme objectif l’amélioration de la conservation des champignons tant au niveau mondial que local. La Fédération québécoise de groupes de mycologues (FQGM) a quant à elle pour mission la protection de la mycodiversité et recommande au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs d’établir une liste rouge de la même façon qu’il l’a fait pour les plantes vasculaires. La FQGM recommande également d’encadrer la cueillette commerciale et de maintenir l’interdiction de cueillette dans les aires protégées.
La valeur écologique du corridor vert Châteauguay-Léry
Les résultats de cet inventaire mycologique augmentent considérablement la valeur écologique du Corridor vert Châteauguay-Léry. Rappelons qu’il abrite 28 espèces de plantes menacées ou vulnérables ou susceptibles d’être ainsi désignées, en plus de 14 autres plantes d’intérêt et de nombreuses espèces animales. Plus le Corridor vert Châteauguay-Léry fait l’objet de recherches scientifiques, plus on constate la haute valeur écologique de ce havre de biodiversité. L’inventaire des champignons de Raymond McNeil s’ajoute aux inventaires floristiques réalisés par Héritage Saint-Bernard et l’inventaire de l’avifaune réalisé par le Club des ornithologues de Châteauguay.
La conservation passe par la protection des habitats
Monsieur Raymond McNeil, SOS Forêt Fernand-Seguin et Héritage Saint-Bernard recommandent aux autorités fédérales, provinciales, régionales et municipales de Châteauguay et de Léry de faire tout en leur pouvoir pour protéger intégralement le Corridor vert Châteauguay-Léry afin, entre autres, de protéger l’incroyable mycodiversité qu’on y retrouve ainsi que l’ensemble de la biodiversité présente sur le site. M. McNeil souligne que « la protection des champignons passe immanquablement par la protection de leurs habitats, et ce, grâce aux efforts concertés de tous les acteurs en conservation de la faune et des habitats ».
_