(Michel Falardeau) – Depuis quelques semaines j’ai le plaisir de publier mes billets sur l’économie mondiale sur le site INFOSuroit.com. Je vous remercie de votre appui et de vos commentaires. Dans notre bilan des derniers jours, il sera question de plusieurs nouvelles qui retiennent l’attention dont la situation en Grèce et la décote de plusieurs pays.
Le parlement grec ratifie les mesures d’austérité exigées par l’Europe
Malgré de violentes protestations menées dans les rues d’Athènes, c’est par un vote de 199 pour et 74 contre que les députés grecs ont finalement adopté, en fin de semaine dernière, un ensemble de mesures d’austérité fort impopulaires certes, mais exigées par leurs partenaires européens pour débloquer les fonds d’un second plan de sauvetage de 130 milliards d’euros. C’est à ce prix que les parlementaires grecs cherchent présentement à éviter un défaut de paiement qui surviendrait autrement le 20 mars prochain, lorsque qu’un montant de 14,5 milliards d’euros de sa dette viendra à échéance… une faillite qui pourrait avoir pour conséquence son retrait de la zone euro.
La Grèce n’est pas encore sortie du bois
Mais ce vote a couté cher aux deux partis de la coalition qui ont perdu 43 députés et ministres ayant voté contre. Les opposants aux mesures d’austérité forment donc déjà le tiers du parlement grec (près de 100 députés sur 300). Et, après le déferlement de la vague orangée au Québec lors des dernières élections canadiennes, nous sommes à même de savoir jusqu’à quel point un peuple, lorsqu’il en a assez et désire du changement, peut bouleverser, en un seul scrutin, l’échiquier de sa représentation politique au parlement. Les événements ayant entouré le déroulement du vote grec de dimanche dernier nous laissent présager que les électeurs de ce pays pourraient bien, en avril prochain, renforcer les rangs des opposants au plan d’austérité, peut-être même jusqu’à les porter au pouvoir…
Aussi ne faut-il pas s’étonner de ce que certains partenaires européens envisagent de retarder le déblocage du plan de sauvetage de 130 milliards d’euros jusqu’après les élections grecques et ce, même s’ils reconnaissent publiquement que toutes les conditions demandées à la Grèce ont été remplies; ces conditions ne prévoyaient pas, en effet, le transfert de presque 60 députés dans le clan des opposants aux mesures d’austérité. Selon M. Jean-Claude Juncker, premier ministre du Luxembourg et président de l’Eurogroupe, une décision devrait être rendue par les ministres des Finances de la zone euro à leur rencontre de lundi prochain, le 20 février, à Bruxelles.
On tourne en rond là !
Mais pour éviter un défaut de paiement de la Grèce, les ministres des Finances de la zone euro tentent de convaincre les banques privées de radier les 14,5 milliards d’euros venant à échéance en mars prochain comme une première partie des quelque 100 milliards d’euros de dette qu’elles acceptent volontairement de perdre.
Mais là ou le bât blesse, c’est que ces banques ont jusqu’ici refusé de signer tout accord de remise de dette tant et aussi longtemps que la Grèce ne sera pas d’abord entendue avec ses créanciers publics sur le plan de sauvetage de 130 milliards d’euros… Là, c’est le chien qui court après sa queue !…
Peut-on dès lors s’attendre à une éventuelle intervention d’urgence de la Banque centrale européenne (BCE) pour sauver la mise… et l’euro ?…
Chercherait-on à faire de la Grèce un « exemple »… à ne pas suivre ?…
La tension est montée d’un autre cran entre la Grèce et ses partenaires européens. Les Grecs se sont sentis insultés par les propos de M. Wolfgang Schaeuble, ministre allemand des Finances, lorsqu’il a déclaré que la Grèce doit cesser d’être un « trou sans fond » et colmater ce trou avant que ses partenaires européens y ajoutent quoi que ce soit. Selon lui, chaque État est ultimement responsable de lui-même : le Portugal fait du bon travail de son côté, mais la Grèce demeure un cas à part. Il a avoué qu’il trouvait le sauvetage de la Grèce plus difficile même que la réunification allemande.
Certains observateurs politiques commencent à se demander si certains pays européens ne seraient pas en train de faire de la Grèce un « exemple », au risque même de la voir sortir de la zone euro… et ce, pour bien montrer à d’autres pays membres qui pourraient encore « branler dans le manche » que la seule voie acceptable pour solutionner la crise des dettes souveraines et sauver l’euro consiste à reprendre le contrôle des dépenses publiques en implantant des mesures d’austérité.
Moody’s décote à son tour plusieurs pays européens
Lundi dernier, l’agence de notation Moody’s a abaissé la cote de crédit de six pays européens (Espagne, Portugal, Italie, Slovaquie, Slovénie et Malte), les jugeant plus à risque dans le contexte de la crise économique qui secoue présentement l’Europe. Elle a aussi mis sous surveillance étroite la France, la Grande-Bretagne et l’Autriche en leur attribuant des perspectives négatives. À la suite de ces décotes, les créanciers pourraient exiger des taux d’intérêt plus élevés sur les nouveaux emprunts contractés par ces pays… ce qui ne contribuerait en rien à améliorer leur situation budgétaire.
Moody’s a aussi avisé qu’elle passerait maintenant en revue la cotation accordée à 114 banques européennes et 17 institutions financières mondiales affectées par la crise de la zone euro… Les derniers rapports trimestriels rendus publics cette semaine par quelques banques européennes semblent confirmer les préoccupations de Moody’s. Peut-on dès lors prévoir plus d’interventions musclées de la part de la BCE pour renforcer les systèmes bancaires qu’elle supervise ?…
Cinq grandes banques américaines sont aussi touchées
Parmi les 17 institutions financières mondiales mises sous surveillance par Moody’s, on retrouve cinq grandes banques américaines : Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Morgan Stanley… ce qui illustre bien que ce qui se passe en Europe peut vite nous rejoindre ici en Amérique en raison des liens de plus en plus étroits tissés entre les économies des différents pays à l’heure de la mondialisation.
Une douloureuse décennie en perspective pour certains pays occidentaux
C’est maintenant au tour des Européens et des Américains de se faire gronder par les pays en émergence, notamment le Brésil et la Chine. En 2010, la dette des États occidentaux surpassait largement celle des pays émergents, représentant 70% de leur richesse collective en comparaison de 40%… et depuis, l’écart ne cesse de se creuser.
Selon les travaux menés par deux économistes américains, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, sur l’évolution des pays émergents au cours des vingt dernières années, il faut en moyenne sept ans à un État pour assainir ses finances publiques. On peut donc prévoir une douloureuse décennie pour les pays occidentaux aux prises avec de lourdes dettes souveraines.
Les pays émergents reviennent de très loin
Pendant que l’Europe est frappé de plein fouet par la crise financière, il faut rappeler qu’au cours des années ’90, ce sont surtout les pays en voie de développement qui ont éprouvé de sérieuses difficultés financières. Rappelons-nous les crises mexicaine en 1994-1995, asiatique en 1997-1998, russe en 1998, argentine et brésilienne de 1999 à 2002.
Depuis ce temps, ces pays ont largement amélioré leur discipline budgétaire et ils ont joui, par la suite, d’une forte croissance économique. En vingt ans à peine, les mauvais élèves d’hier, à qui les pays occidentaux faisaient naguère la leçon, seraient-ils en voie de devenir les modèles de demain ?…
Un « success story » américain… resservi à la sauce chinoise
Après avoir envahi les États-Unis, les chaines de restaurants Kentucky Fried Chicken et Pizza Hut sont en train de conquérir la Chine. Elles constituent un bel exemple d’entreprises américaines qui bénéficient fortement de la croissance phénoménale et de l’enrichissement de la classe moyenne chinoise. Alors que les revenus de leur société-mère, Yum ! Brands, n’ont augmenté que de 1% aux États-Unis au cours de son dernier trimestre, ils ont littéralement bondi de 39% en Chine où s’effectuent maintenant 52% de ses ventes grâce à plus de 4 000 restaurants répartis dans au-delà de 700 villes chinoises.
L’industrie pétrolière serait largement subventionnée
Les géants de l’industrie pétrolière se plaignent régulièrement du fait que certains pays subventionnent le développement des énergies alternatives, comme le solaire, l’éolien, la géothermie ou les biocarburants. Et pourtant, ces grandes pétrolières bénéficieraient elles-mêmes, à travers le monde, de subventions totalisant quelque 500 milliards de $ US par année.
Le trafic sur les appareils mobiles explose
Cisco prévoit que le trafic mondial sur les appareils mobiles augmentera en moyenne de 78% par an au cours des cinq prochaines années, ce qui exigera une forte expansion des réseaux de communications sans fil. L’ère du téléphone cellulaire intelligent est en pleine expansion.
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Voici les liens pour lire les billets précédents de Michel Falardeau sur l’Économie mondiale :
- Dossier : L’Europe pourrait-elle sortir grandie de la crise des dettes souveraines (15 février2012)
- La Chine, Las Vegas, la Grèce & plus (12 février 2012)
- Dossier : Le prix du baril de pétrole bientôt à 200 $ US (8 février 2012);
- Économie mondiale : Le premier billet de Michel Falardeau (5 février 2012).
Excellent! Merci pour la clarté de l’information et pour ces mises à jour sur l’économie mondiale. Les billets sont devenus indispensables pour comprendre les nouvelles économiques que les médias et les TV nous bombardent à chaque jour et qui nous laissent sans explication ou analyse de ce qui se passe véritablement.