La Fédération québécoise des municipalités a soumis une lettre d’opinion concernant les territoires incompatibles avec l’activité minière. Patrick Bousez, préfet de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, en est co-signataire.
Avec l’engouement pour les minéraux critiques nécessaires notamment à l’électrification des transports, de nouveaux projets miniers se rapprochent de nos collectivités et s’installent dorénavant dans des milieux beaucoup plus densément peuplés. Malheureusement, cet engouement pose un problème et le réflexe du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) de décider seul lors de l’établissement d’une mine sur un territoire mène constamment à des problèmes. Une mine ne peut s’établir sans l’implication de la communauté d’accueil et les décisions ne peuvent plus se prendre seulement à Québec.
En 2016, l’Assemblée nationale modifiait la Loi donnant le pouvoir aux MRC d’identifier des territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) dans leur schéma d’aménagement. Comme le prévoit aussi la Loi, les schémas doivent obtenir l’aval de Québec pour entrer en vigueur. Avec tous les problèmes qui font régulièrement la manchette, force est de constater que l’approche extrêmement limitative axée essentiellement sur l’exploitation de la ressource adoptée par le MERN pour la mise en oeuvre de cette mesure empêche une protection raisonnable et justifiée de nos territoires et de nos collectivités.
Par exemple, le refus des fonctionnaires du MERN de protéger le mont Rigaud et les zones de recharge d’eau souterraine de la MRC de Vaudreuil-Soulanges est tout simplement inacceptable. La MRC, en collaboration avec des chercheurs universitaires, a démontré les importants risques de contamination de cette source qui, rappelons-le, approvisionne chaque jour près de 100 000 citoyens de 18 des 23 municipalités de la région. La sécurité de l’approvisionnement et de la qualité de l’eau potable dans le contexte des changements climatiques devrait être une priorité, plutôt que de privilégier les minières au détriment de l’intérêt des collectivités. Les situations difficiles dans des MRC comme celles d’Argenteuil, Laurentides ou Papineau sont d’autres exemples probants que la façon de faire actuelle du ministère est désuète et doit être revue rapidement.
Cette situation, la grande diversité de notre territoire et les différents usages de celui-ci nous confirment encore une fois que le mur-à-mur décidé par Québec est inapplicable et que les conflits d’usage sur nos territoires se multiplieront si aucune action n’est prise par le prochain gouvernement. Des partis politiques s’engagent à assurer l’acceptabilité sociale de tout nouveau projet minier, mais cette responsabilité ne peut plus être l’apanage de Québec.
À ce chapitre, le gouvernement du Québec a identifié la façon de faire en ce domaine dans sa Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire publiée le 6 juin dernier : « rapprocher la prise de décision au plus près des citoyens et coordonner nos actions en nous assurant de leur cohérence, notamment en valorisant le rôle intégrateur joué par le schéma d’aménagement et de développement». Le schéma d’aménagement est le document qui doit concilier les priorités locales et nationales quant à la gestion du territoire, ce qui signifie la fin de la préséance archaïque de la Loi sur les mines et de la gestion centralisée du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles sur le territoire et le sous-sol du territoire. En clair, la décision ne peut plus relever de la seule discrétion du ministre, elle doit être le fruit d’un échange politique entre ce dernier et les membres du conseil de la MRC, un échange permettant aux deux parties de communiquer et de concilier leur vision et leurs objectifs quant à l’utilisation durable du territoire.
Fortes de leur expérience acquise depuis maintenant 40 ans, les MRC et les municipalités locales ont démontré qu’elles sont en mesure de planifier leur territoire pour maximiser l’acceptation sociale des projets et le développement durable de leur territoire. Il n’est pas question d’interdire une activité de l’ensemble de nos territoires, mais de prendre les mesures nécessaires pour arrimer l’exploitation minière avec les préoccupations de nos communautés, de mieux tenir compte des réalités de l’ensemble de nos régions.
La Fédération québécoise des municipalités (FQM) interpelle donc aujourd’hui l’ensemble des formations politiques à s’engager à réformer le processus des TIAM et à reconnaître la préséance des schémas d’aménagement sur les autres planifications territoriales pour assurer le respect des intérêts de nos collectivités. Pour les préfets et les maires du Québec, c’est la voie à suivre pour optimiser la gestion du territoire au Québec et assurer une utilisation durable de celui-ci.
Signataires :
- Jacques Demers, président de la FQM, maire de Sainte-Catherine-de-Hatley et préfet de la MRC de Memphrémagog
- Benoit Lauzon, maire de Thurso et préfet de la MRC Papineau
- Patrick Bousez, maire de Rivière-Beaudette et préfet de la MRC de Vaudreuil-Soulanges
- Marc L’Heureux, maire de Brébeuf et préfet de la MRC des Laurentides
- Isabelle Perreault, mairesse de St-Alphonse-Rodriguez et préfète de la MRC de Matawinie
- Chantal Lamarche, préfète de la MRC de La Vallée de la Gatineau
- Scott Pearce, maire du Canton de Gore et préfet de la MRC Argenteuil
- André Genest, préfet de la MRC des Pays-des-Haut
- Marc Carrière, préfet de la MRC des Collines-de-l’Outaouais