Le maire de la Ville de Vaudreuil-Dorion, Guy Pilon, a fait parvenir une lettre au ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, où il l’interpelle quant au drame qui s’est produit le 15 février 2024. Il réitère l’importance de réviser la loi P-38 sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
Monsieur le Ministre,
Depuis près de 19 ans, je suis le maire de la Ville de Vaudreuil-Dorion. J’y suis né et j’y réside depuis 71 ans. Ma Ville s’est bien souvent distinguée en culture, mais aussi pour la mise en place de projets novateurs.
Nous avons adopté dernièrement une politique du vivre-ensemble afin de reconnaître et respecter toutes formes de diversité, de lutter contre la discrimination et de faciliter la cohabitation harmonieuse. Nous avons le souci d’offrir une qualité de vie à toutes les générations et nous prônons la tolérance et l’ouverture à l’autre. Nous avons une patrouille municipale, des organismes qui interviennent auprès de diverses clientèles, toujours afin que nos citoyens puissent vivre dans un milieu sécuritaire et propice à élever une famille.
Le 15 février dernier, cette ville que j’aime tant a fait la manchette de tous les médias. Un vocabulaire que je n’aurais jamais cru pouvoir être associé à notre communauté a été déployé : carnage à Vaudreuil Dorion, attaque violente, agression sordide. Présentement, mes citoyens sont inquiets. À proximité de l’immeuble où le drame s’est déroulé se trouvent plusieurs résidences de personnes retraitées. Dans la tour d’habitation où les agressions ont été commises, il y avait des enfants, des couples, des personnes qui vivent seules. Plusieurs avaient déjà croisé l’accusé. Vous devinerez que ces citoyens se sentent inquiets. Certains se sont tournés vers moi afin de savoir ce que la Ville allait faire pour que ce type de drame ne se reproduise plus. Vous comprendrez que la réponse ne pourra venir de l’administration municipale.
Ce drame humain d’une extrême tristesse aurait-il pu être évité? Je ne suis pas un législateur et mes connaissances des problèmes de santé mentale sont très limitées. Par contre, j’ai lu sur la loi P-38 (Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui) et j’espère sincèrement que la révision de cette loi, que vous avez annoncée en mai dernier, sera faite dans des délais raisonnables et qu’elle touchera aussi à la Commission d’examen des troubles mentaux du Québec. Nous sommes en droit de nous questionner sur la notion de danger grave et immédiat, évoqué dans cette loi, qui peut justifier un motif de consultation auprès d’un spécialiste. Dans une situation de danger imminent, qui fait le diagnostic ? Est-il possible de voir rapidement un psychiatre? Que se passe-t il dans le cas d’une personne souffrant d’un trouble de santé mentale qui n’est pas consciente de la gravité de sa maladie et ne veut pas prendre sa médication? Pourrait-elle passer entre les mailles du système? Est-ce ce qui est arrivé le 15 février dernier dans ma ville? L’enquête nous l’apprendra.
Le 30 mars 2023, la mère d’un enfant atteint de schizophrénie, madame Martine Landry, écrivait dans la section Opinions du journal La Presse : « Malheureusement, l’inefficacité de la loi P-38 à protéger les gens les plus sévèrement atteints se solde trop souvent par la mort de proches qui les aimaient et qui tentaient désespérément de leur venir en aide. Il arrive aussi que de parfaits inconnus soient attaqués et tués lors d’un épisode de psychose meurtrière. » Ce commentaire de madame Landry nous ramène en tous mots au drame qui s’est déroulé dans ma ville.
Monsieur le ministre, si nous voulons éviter que les personnes souffrant de problème de santé mentale soient stigmatisées, je vous demande de poser des gestes qui rassureront nos populations et permettront une cohabitation harmonieuse.
Veuillez recevoir, monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.
Guy Pilon
Maire de Vaudreuil-Dorion