Un garde-manger en danger

(Anne Quach) – Bonjour, chères lectrices et chers lecteurs d’INFOSuroît!

Si notre région est le garde-manger du Québec, comme on le dit souvent (avec raison), le gouvernement fédéral aurait intérêt à surveiller plus attentivement les drames qui s’y jouent depuis quelques années.

Il y a en effet quelque chose d’indécent à constater l’inaction et le désintérêt généralisé des conservateurs envers ceux qui nourrissent les familles québécoises. Prenez par exemple la tempête de grêle qui a détruit les récoltes en juillet dernier: des grêlons gros comme des balles de golf ont alors détruit l’équivalent de 50 millions de dollars de salades, d’oignons,  de carottes. etc. Près de 200 agriculteurs ont été touchés, et soixante maraîchers ont tout perdu et ont dû travailler jour et nuit pour nettoyer les dégâts.

En un mot, cette tempête a été une catastrophe.

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Anne Quach et Romain Trudeau responsable de la sécurité à Saint-Michel, constatent les dommages aux récoltes  Photo courtoisie publiée par INFOSuroit.com

Or, qu’a fait le gouvernement fédéral? Rien du tout. Même si le programme d’aide Agri-Relance ne convient absolument pas à la situation des maraîchers, qui étaient d’ailleurs déjà fortement affligés par les inondations de l’an dernier, la ministre de l’Agriculture n’a toujours pas daigné s’intéresser à la situation. Aucun fonds d’urgence, aucun rééquilibrage du programme Agri-Relance, aucune aide à l’achat de nouvelles semences. Rien.

Comme si nous n’existions pas.

Le gouvernement conservateur sait-il que plusieurs agriculteurs de notre région ne sont pas assurés, faute de moyens? A-t-il conscience que le coût des cultures varie énormément d’un produit à l’autre? Entend-il l’appel à l’aide, les cris du cœur lancés par les maraîchers qui travaillent à la sueur de leur front pour mettre de la nourriture sur nos tables?

J’ai pourtant tenté de lui faire prendre conscience du problème cet été. Et le 20 septembre dernier, je me suis levée à la Chambre des communes afin de lui réexpliquer les tenants et aboutissants de la tempête de grêle de juillet. Je lui ai demandé d’adapter les programmes d’aide à la situation particulière des gens d’ici.

Malheureusement, au moment d’écrire ces lignes, le ministre de l’Agriculture ne m’avait toujours pas répondu.

***

Le sort des agriculteurs de notre région n’est pas le seul dossier tombé dans les oubliettes depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. Avec leur réforme controversée de l’assurance-emploi, les conservateurs font en effet planer une épée de Démoclès au-dessus de la tête des travailleurs saisonniers œuvrant en agriculture, en tourisme et en construction.

Rappelons un peu les faits. Dans une annonce qui sentait l’improvisation à plein nez, les conservateurs ont, sans consultation ni préavis, décrété qu’il y aurait désormais des “bons” et des “mauvais” chômeurs selon la fréquence à laquelle ils recourent au programme.

Résultat: les “mauvais” chômeurs devront désormais accepter n’importe quel emploi situé à une heure de route de leur domicile, peu importe leur domaine d’expertise et leur champ d’intérêt, et ce, à 70% de leur salaire, sous peine d’être carrément exclus de l’assurance-chômage.

J’ai discuté récemment avec l’Association des entrepreneurs en drainage agricole du Québec pour avoir une idée des conséquences directes de cette décision. Ce qu’ils m’ont dit m’a effrayée. En effet, comme leur métier est dépendant de Dame Nature, plusieurs employés peuvent avoir recours assez souvent à l’assurance-chômage entre décembre et avril. Comme ce sera désormais presque impossible, plusieurs spécialistes devront s’expatrier ou carrément changer de domaine.

C’est non seulement une conséquence désastreuse sur le plan humain, il s’agit aussi d’un illogisme économique. Imaginez: l’Association a investi depuis 2006 un demi-million de dollars pour former de nouveaux employés. Si ces derniers doivent quitter la région ou se recycler dans un autre domaine à cause des changements à l’assurance-emploi, une bonne part de ce montant aura été investie en pure perte!

Depuis cette conversation, j’ai l’intime conviction que les conservateurs n’ont pas évalué les coûts liés à leur réforme de l’assurance-emploi. Ils ont agi sans réfléchir, privant un secteur entier de travailleurs professionnels et qualifiés. Quand on ajoute à ce fiasco la baisse de salaire de 15% imposée par les conservateurs aux travailleurs étrangers, on se rend bien compte que le gouvernement navigue à vue.

***

À la lumière de toutes ces informations, je comprends mal la stratégie des conservateurs pour assurer l’indépendance alimentaire de notre région et de notre pays. La production des agriculteurs et des maraîchers de Beauharnois-Salaberry représente une très grande partie de la production totale du Québec, surtout en terme de fruits et légumes. Il me semble évident que lorsqu’une catastrophe survient – comme cela a été le cas l’été dernier avec les inondations et en juillet avec la tempête de grêle – le rôle de l’État est de venir en aide à ce secteur crucial.

J’espère que mes appels à la Chambre des communes seront entendus par les conservateurs. La bonne chose à faire, autant financièrement que moralement, est pourtant bien simple: il faut aider nos agriculteurs à se remettre sur pied. Et cette aide doit prendre la forme d’un programme d’assistance adapté à leurs besoins et d’un programme d’assurance-emploi sans discrimination.

Qu’attendent donc les conservateurs pour agir?

Je suis persuadée qu’il y a moyen, dans un pays riche, prospère et débrouillard comme le nôtre, d’aider adéquatement les agriculteurs et les maraîchers qui mettent de la nourriture sur notre table. Ces gens pratiquent un métier extrêmement exigeant et précieux: les appuyer dans leur travail est primordial.


Anne Minh-Thu Quach

Députée de Beauharnois-Salaberry à la Chambre des communes,

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Vous pouvez lire ou relire les chroniques précédentes d’Anne Quach :


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